16 et 17 avril 2017 (30 heures)
Dimanche matin de Pâques.
Sur Thalasso, il y eu la découverte de cocos au chocolat par les enfants, Marine n’en revient pas comment c’est possible qu’un lapin vienne jusque sur le bateau… Peut-être est-il venu à rame, dans une barque, pendant la nuit ? s’est-elle demandée …
Cependant, malgré le chocolat, mon grand garçon a la mine triste… On se colle dans une cabine et je parle avec lui…Qu’est-ce qu’il y a ? Il est inquiet. Il me dit qu’il a peur d’avoir le mal de mer. C’est que nous levons l’ancre d’ici environ une heure pour naviguer dans l’océan, en route vers le nord.. Mon coeur de mère est déchiré. Je me sens responsable de toutes ces émotions qu’ils vivent à tour de rôle…Je réalise que Isaac est lui aussi déchiré. Déchiré entre son désir de revoir la maison et ses amis, mais aussi nostalgique parce que la fin de ce voyage approche. Il me confirme que ce n’est pas juste la crainte d’avoir le mal de mer qui le fait pleurer… Entre les larmes qui coulent, presque en silence, il me remercie de lui avoir fait vivre ce voyage, il me remercie d’avoir été persévérante. Je suis émue et je sais maintenant, plus que jamais, qu’il faut avoir l’audace de suivre son coeur et son intuition, même si la route est parfois pleine de virages…
Je lui donne un gravol qui ne cause pas de somnolence en prévision des prochaines heures..
C’est l’heure de quitter Ste-Augustine.
Nous laissons notre mouillage, attendons l’ouverture du pont, allons faire le plein d’eau et de diesel au quai de service, attendons à nouveau l’ouverture du pont et une fois ce dernier passé, à 8h57 am, nous nous dirigeons vers la mer, cette belle immensité.
L’inlet de St-Augustine est bien balisé par des bouées. Celles-ci ont d’ailleurs été replacées dernièrement par la coast guard afin de mieux contourner les bancs de sables qui ont bougés avec l’ouragan Matthew de l’automne dernier. Il y a de bonnes vagues, Thalasso fait du surf, mais nous sommes confiants. C’est toujours un peu rock n’ roll quand nous entrons ou sortons d’un inlet. La météo est douce pour les prochains jours…un petit vent du sud, sud-est qui devrait nous pousser vers le nord.
Yan est à la barre en ce début de journée. Nous naviguons d’abord vers l’est afin de pouvoir prendre ensuite notre cap vers Charleston.
Le vent n’a pas tourné au sud… nous l’avons étonnamment du nord, donc dans le nez ou en pleine face si vous préférez, une partie de la journée et de la soirée. Pour faire de la voile, disons que ce n’est pas le cap idéal, nous devons donc l’ajuster un peu. Les vagues sont déjà formées, elles vont diminuer, mais pour le moment nous avons une bonne houle. Nous reconfirmons la météo avec le VHF. Effectivement, le vent devrait tourner au sud et baisser dans les prochaines heures pour n’être que de 5 à 10 noeuds.
D’ici là, les enfants ont le mal de coeur. Le bateau cogne entre les vagues… Gabriel trouve que c’est une navigation difficile. Encouragés par la météo, nous disons aux enfants que le pire est derrière nous, qu’il nous faut être un peu patients et qu’il fait beau soleil. Dans quelques heures, les vagues devraient avoir diminué suffisamment pour que ce soit plus agréable.
Comme lors de toute navigation, les heures ont passé doucement. Les enfants ont fait des siestes dans le cockpit, nous avons mangé légèrement… C’est difficile de s’occuper des repas dans le bateau dans ces conditions. Bien que je prépare toujours de la nourriture d’avance pour me faciliter la tâche, ça brasse et je dois bien me tenir. Pour un prochain voyage, en vue des traversées, je songe à acheter ou préparer de la nourriture déshydratée à laquelle tu rajoutes tout simplement de l’eau. Je vais explorer cette avenue…
La journée a passé, nous avons appelé la famille en matinée, pendant que nous avions encore du réseau internet, pour leur souhaiter une joyeuse Pâques. Dans l’après-midi, quand je regardais mon trio amorti par le gravol et couché dans le cockpit, je trouvais que c’était une façon bien plate de fêter Pâques pour des enfants… mais ils n’ont rien dit à ce sujet là, ils sont patients, ils ont tellement grandis pendant les derniers mois…
La nuit est tombée. Une belle nuit étoilée et noire… la lune est venue nous accompagner mais elle ne nous éclairait pas beaucoup comme lors des traversées où nous avions la pleine lune au dessus de la tête. C’est lorsque tu es loin des lumières et de la civilisation que tu réalises combien c’est sombre dans la nuit. Nous étions assez éloignés en mer pour ne pas voir ni la côte, ni ses éclairages. Aucun bateau aux alentours, nous sommes seuls. La seule chose tangible qui nous accompagne, c’est le son du VHF quand la coast guard fait son petit message usuel dans lequel il nous rappelle le poste de radio pour connaitre les avertissements à la navigation.
Marine et Isaac ont choisi de passer la nuit à l’extérieur, dans le cockpit, emmitouflés de couvertures et attachés au bateau par un harnais. Gabriel s’est couché dans une cabine arrière. Gravol aidant, ils ont dormi toute la nuit et se sont réveillés vers 8 heures le lendemain matin.
Yan et moi, à la barre… Nous essayons de faire des quarts de 2 heures. La nuit est longue et fraiche avec la rosée qui est tombée, les vagues ont diminuées et le cap est facile à maintenir. C’est fou comme les minutes peuvent parfois être longues…combien de fois j’ai regardé l’heure pour savoir si le temps avançait..? Je ne sais plus, mais souvent… !!! Et quelle déception parfois quand je constatais que ça faisait seulement 5 minutes par rapport à la dernière fois où j’avais regardé… Il y a quoi d’autre à faire pour s’occuper que de barrer et faire une tournée visuelle ? Est-ce qu’il y a des bateaux autour ? Une lumière différente ? Compter les étoiles ? Et là je me dis, je pourrais bien faire un point GPS sur le Inreach, ça m’occupe pour 30 secondes, une fois aux trois ou quatre heures… Je regarde les enfants qui dorment, je pense, je réfléchis, j’essaie de faire le vide et de me connecter à moi pour suivre l’intuition d’un nouveau projet, mais ce soir, ça ne vient pas. Aucune idée extraordinaire n’émerge, je regarde l’immensité de la nuit et il ne se passe rien..J’en conclus qu’il est trop tôt pour cela finalement.… Le message m’apparait alors évident: vivre le moment présent.…Faire confiance à la vie. Point.
J’ai repensé au magnifique livre que mon amie Cynthia m’a prêté : « La nuit de feu » de Eric-Emmanuel Schmidht. Lui, il était seul dans le désert…
Je vous partage cet extrait que je chéris particulièrement :
« Ma conception du voyage avait changé: la destination importe moins que l’abandon. Partir, ce n’est pas chercher, c’est tout quitter, proches, voisins, habitudes, désirs, options, soi-même. Partir na d’autre but que de se livrer à l’inconnu, à l’imprévu, à l’infinité des possibles, voir même à l’impossible. Partir consiste à perdre ses repères, la maitrise, l’illusion de savoir et à creuser en soi une disposition hospitalière qui permet à l’exceptionnel de surgir. Le véritable voyageur reste sans bagage et sans but. »
Et puis Yan arrive, il prend la barre. Je vais littéralement m’échouer dans une cabine pour dormir un bon deux heures.
Lundi matin, le soleil s’est levé un peu avant 7 heures, je voyais déjà depuis presque quarante cinq minutes l’amorce de l’aurore. Le ciel était rosé et mauve, parsemé de nuages blancs. Le bleu du ciel et de la mer a remplacé le noir de la nuit. Enfin, la lumière du jour..
Le vent a baissé, nous avons tout de même une moyenne de 7 noeuds en direction de Charleston. Matinée partagée entre dormir à tour de rôle et jaser avec les enfants. C’est fou comme ils sont heureux d’avoir vécu ce voyage. Leurs yeux sont brillants quand ils m’en parlent. Quand je leur demande de me dire ce qu’ils ont le plus aimé des Bahamas, Gabriel me répond « TOUT ».. il dit que c’était magique, magnifique… Isaac me dit que si nous avions pris la route vers le sud hier, nous serions de nouveau rendus aux Bahamas…. Ils ont hâte de raconter leurs aventures à la famille et leurs amis.
Lundi matin, le vent a baissé… on jase, on placotte, un peu de lecture…
Ils sont aussi conscients qu’ils sont maintenant complices d’un souvenir qu’ils partagent pour la vie, le souvenir de cette vie sur un voilier, l’espace de quelques mois de leur enfance, 24 heures sur 24 en famille.
En début d’après-midi, nous arrivons dans le chenal qui nous mène à Charleston. Un crevettier et quelques dauphins nous accueillent. Arriverons-nous à l’heure pour faire lever le pont afin d’être en mesure de nous diriger vers l’ancrage que nous avons choisi ? Oui, quelle chance ! Nous arrivons tout juste à temps, faisons lever le pont et allons nous ancrer dans une petite baie.
Un dernier point Inreach pour informer la famille que nous sommes bien arrivés…Il est 16h06. Les dauphins viennent nous souhaiter une bonne soirée. Le bateau est bien ancré, aucune vague, ce fut une douce nuit.
Josée
Super beau vos textes!
J’aimeJ’aime
Merci !!!
J’aimeJ’aime
Encore un écrit qui nous fait réfléchir… Quelle profondeur!
On peut ressentir toute l’émotion que tu éprouves en quittant ces différents ports. Nous avons hâte que vous vous amarriez plus près d’ici… on vous attend
J’aimeJ’aime
Nous sommes en route vers le nord et vers vous !!! A bientôt !!XXXX
J’aimeJ’aime
Que bonheur de lire vos aventures. J’aurais tellement aimé vivre une telle expérience. Des souvenirs impérissables pour vous tous. Merci pour vos récits plein d’émotions et bonne rentrée au bercail….
J’aimeJ’aime
Merci !!!!!
J’aimeJ’aime